Au Cameroun, le taux de réussite au baccalauréat plafonne à 37 %, le pire depuis vingt ans

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Ces résultats catastrophiques s’expliquent notamment par la volonté du ministère des enseignements secondaires de ne plus repêcher les élèves ayant une moyenne inférieure à 10/20.

Au lycée d’Evodoula, un établissement scolaire d’enseignement général à une cinquantaine de kilomètres au nord de Yaoundé, la capitale du Cameroun, le bordereau des résultats du baccalauréat littéraire spécialité espagnol est barré de l’inscription : « Néant ». Aucun des 42 élèves ayant présenté leur bac dans cette série n’a été admis. Dans la série littéraire spécialité allemand du même lycée, c’est à peine mieux, seuls 5 élèves ont eu leur examen sur les 20 inscrits.

Ces résultats catastrophiques, révélés le 19 juillet, n’ont rien d’exceptionnel : cette année, ce sont ceux affichés dans la plupart des établissements camerounais d’enseignement général.

D’après des chiffres publiés par l’office du baccalauréat du Cameroun (OBC) chargé de l’organisation des examens, sur les 132 920 élèves des classes de terminale qui ont présenté le bac cette année, seuls 49 521 ont été déclarés admis, soit un taux de réussite de 37,2 %, le plus bas depuis vingt ans. Il faut en effet remonter à 2004 pour enregistrer une si mauvaise performance. Elle est d’autant plus notable qu’en 2023, le taux de réussite était de 75 %, le plus haut jamais enregistré.

En représailles aux fuites de sujets

Pour plusieurs enseignants contactés, ces chiffres s’expliquent essentiellement par le respect des instructions de « la hiérarchie », c’est-à-dire du ministère des enseignements secondaires. Celui-ci a demandé aux enseignants de ne pas repêcher d’élèves dont la moyenne est inférieure à 10/20 lors des délibérations de l’examen.

En effet, le gouvernement décide chaque année jusqu’à quelle note, en dessous de la moyenne de 10, les jurys d’examen peuvent repêcher des élèves, comme l’explique un enseignant sous couvert d’anonymat : « En général, ceux qui ont une note de 10/20 sont admis d’office. Mais l’on considère parfois que des élèves n’ont pas pu être en forme lors des épreuves, alors il nous arrive de repêcher certains étudiants qui ont 8,50. L’année dernière, on est descendu jusqu’à 9,50 », poursuit-il.

Cette sévérité exceptionnelle aurait été décidée en représailles aux fuites d’épreuves. En effet, certains sujets ont été largement partagés sur WhatsApp avant le début des épreuves, un phénomène devenu récurrent et que les autorités ne parviennent pas à endiguer. Une frange de la communauté enseignante explique le niveau insuffisant des élèves par la pandémie du Covid-19, en 2020. Pendant plusieurs mois, pour respecter la distanciation sociale, le gouvernement avait limité à 50 le nombre d’élèves par classe, en instaurant un système de mi-temps.

« Regagner en crédibilité »

Les classes pouvaient être divisées en deux et l’enseignant dispensait le même cours aux deux groupes, celui du matin et celui du soir. « Ces élèves ont eu moins d’heures de cours à cause de ce système de mi-temps. Ce sont eux qui ont présenté les examens cette année », estime une enseignante d’espagnol du lycée d’Akwa, à Douala, qui a requis l’anonymat.

Selon le professeur Jacques Evouna, enseignant d’école normale et universitaire, la chute brutale des résultats cette année est liée à une décision politique. « Le ministère ne souhaite pas que les résultats soient trop bons mais qu’ils correspondent au niveau réel des élèves. C’est une tentative pour regagner en crédibilité. Le revers de la médaille, c’est que cela révèle la réalité du système éducatif », estime-t-il.

Le rôle des réseaux sociaux, qui distrairaient des élèves accusés d’être plus intéressés par des vidéos en ligne que par leurs cours, est aussi souligné par certains parents d’élèves. Une explication que balaie le professeur Evouna, qui souligne que certains établissements continuent à afficher des taux de réussite de presque 100 %, « comme le collège Vogt à Yaoundé ou Libermann à Douala ». Des établissements privés confessionnels, connus pour leur rigueur, mais qui imposent des frais de scolarité très élevés et n’accueillent donc que les enfants des familles les plus aisées du pays.

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